Deux français sur dix souffriront d’une dépression au moins une fois dans leur vie. Sur le plan de la recherche fondamentale, on sait que la dépression n’est pas uniquement émotionnelle et que des mécanismes cellulaires expliquent aussi sa survenue. Récemment, au Canada, des chercheurs ont mis en évidence l’existence de deux types de cellules cérébrales altérées chez les personnes souffrant de dépression. Eclairage.

Quelques chiffres sur la dépression
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la dépression est un trouble psychique qui toucherait 280 millions de personnes à travers le monde. C’est donc une maladie très répandue qui peut, selon les données de l’INSERM, provoquer le décès dans 5 à 20% des cas.
En France, les derniers chiffres publiés par Santé publique France avancent que fin novembre 2023, 16 % des Français montraient les signes d’un état dépressif. Selon l’European Health Interview Survey, et d’après une étude de 2019, la France présenterait un taux de dépression parmi les plus élevés des pays d’Europe.
Les jeunes ne sont pas épargnés puisque, selon l’OMS, ce trouble psychique toucherait 1,1 % des adolescents âgés de 10 à 14 ans et 2,8 % des adolescents âgés de 15 à 19 ans.
Après l’accouchement, ce sont aussi 15% des femmes qui seraient frappées par une dépression post-partum.
Découverte de deux nouveaux types de cellules
Au Canada, des équipes de chercheurs de l’Université McGill et de l’Institut Douglas ont identifié deux types spécifiques de cellules cérébrales altérées chez les personnes souffrant de dépression.
« C’est la première fois que nous parvenons à identifier les types spécifiques de cellules cérébrales affectées par la dépression en cartographiant l’activité génétique et les mécanismes qui régulent le code ADN » a déclaré le Dr Gustavo Turecki, auteur principal de l’étude, professeur à McGill, clinicien-chercheur à l’Institut Douglas et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le trouble dépressif majeur et le suicide.
Pour réaliser leurs travaux, les scientifiques ont travaillé sur des banques de tissus cérébraux post-mortem de 59 personnes ayant souffert pendant leur existence de dépression et 41 personnes non dépressives.
Ensuite, ils ont analysé l’ARN et l’ADN de milliers de cellules cérébrales. La comparaison des résultats entre les deux groupes, personnes ayant été dépressives et celles ne l’ayant pas été, leur ont permis identifier les cellules dont le fonctionnement diffère dans la dépression.
A Savoir ! L’ADN ou acide désoxyribonucléique est une molécule complexe retrouvée principalement dans le noyau des cellules. C’est le support de l’information génétique. L’ARN ou Acides RiboNucléiques sont aussi des molécules porteuses d’informations génétiques. L’ADN se compose d’un double brin tandis que l’acide ribonucléique (ARN) se compose généralement d’un seul brin.
Les résultats ont révélé une altération de l’activité génétique dans un certain type de neurone excitateur impliqué dans la régulation de l’humeur et du stress et dans un sous-type de cellules microgliales, des cellules qui contribuent à la gestion de l’inflammation.
Dans les deux types de cellules, de nombreux gènes fonctionnaient différemment chez les personnes dépressives.
Comme le souligne le Dr Gustavo Turecki : « Cette recherche renforce ce que les neurosciences nous disent depuis des années : la dépression n’est pas seulement émotionnelle, elle reflète des changements réels et mesurables dans le cerveau ».
Prochaines étapes pour les chercheurs ? Etudier comment ces changements cellulaires affectent le fonctionnement cérébral et comment est-il possible de les cibler pour soulager les symptômes de la dépression.
Dépression : les axes de recherche
De nombreuses voies de recherche sont explorées dans le monde pour lutter contre la dépression.
Les axes de recherche consistent à :
- Comprendre les causes et mécanismes de la dépression (facteurs génétiques, mécanismes cérébraux, influence du microbiote intestinal et de l’inflammation) ;
- Mettre au point de nouvelles molécules thérapeutiques et de nouvelles thérapies (e-santé, neuromodulation, amélioration des prises en charge psychologiques) ;
- Développer une psychiatrie de précision et des traitements personnalisés en combinant données (biologiques, génétiques, cliniques, imagerie) et intelligence artificielle ;
- Favoriser la prévention et la détection précoce de la dépression.
Pour rappel, en 2012 en France, les dépenses de santé mentale (coûts directs et indirects) étaient de 109 milliards d’euros. En 2023, ces coûts bondissent pour atteindre 163 milliards d’euros, soit une hausse de 50%. La santé mentale constitue un véritable enjeu de santé. En plus de la réorganisation de l’offre de soins, il est nécessaire de soutenir avec ambition la recherche.
– Study linking depression to specific altered brain cells opens door to new treatments. www.mcgill.ca. Consulté le 30 septembre 2025
– En 2023, nous estimons le coût direct et indirect des maladies psychiatriques en France à 163 milliards d’euros. www.fondation-fondamental.org. Consulté le 30 septembre 2025