Dépression : vers un médicament par voie nasale

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Rédigé par Estelle B. et publié le 22 janvier 2018

La dépression concerne 1 Français sur 5 au cours de sa vie et serait selon l’Organisation Mondiale de la Santé le premier facteur d’incapacité dans le monde. Les traitements médicamenteux de cette maladie psychique représentent un enjeu majeur. Face à certains troubles dépressifs résistants aux antidépresseurs usuels, un nouveau médicament administré par voie nasale pourrait être une alternative prometteuse dans les années à venir.

eskétamine

Kétamine et eskétamine

La kétamine est un médicament utilisé comme anesthésique général en médecine humaine et vétérinaire. Il est administré par voie intraveineuse ou intramusculaire et agit rapidement, en entraînant une anesthésie aux caractéristiques particulières :

  • Une analgésie (réduction de la sensation de douleur) profonde et prolongée ;
  • Une perte de conscience évoquant une sorte de « déconnexion » du patient ;
  • La conservation des réflexes pharyngés et laryngés ;
  • Le maintien ou une légère hausse du tonus musculaire ;
  • Une stimulation des fonctions cardiovasculaire et respiratoire.

Suite à l’anesthésie, le réveil est précoce, mais l’analgésie perdure un certain temps.

À savoir ! La kétamine fait également l’objet d’un usage illicite en tant que drogue. Elle est alors désignée sous diverses appellations comme spécial K, Kéta, Kit Kat, Ket ou encore Kétalar.

En parallèle de son effet anesthésique, la kétamine présente un effet antidépresseur, difficilement exploitable en raison de sa voie d’administration. Des chercheurs ont ainsi développé un dérivé de la kétamine, l’eskétamine, qui peut être administrée par voie intranasale et qui pourrait avoir un intérêt dans le traitement de la dépression.

Une voie intranasale contre la dépression

Actuellement, près d’un tiers des patients présentant des troubles dépressifs majeurs ne sont pas efficacement soulagés par les médicaments antidépresseurs disponibles. Les recherches se poursuivent donc dans le monde pour tenter de mettre au point de nouveaux traitements à destination de ces patients. Parmi les pistes étudiées se trouve justement l’eskétamine.

Un essai clinique a récemment été réalisé dans 14 centres de prise en charge ambulatoire de patients dépressifs aux USA et en Belgique. Au total, 67 patients, souffrant de troubles dépressifs majeurs et n’ayant pas répondu à au moins 2 traitements antidépresseurs classiques, ont été inclus dans l’étude et répartis aléatoirement en 4 groupes :

  • 33 ont reçu un placebo ;
  • 11 ont reçu de l’eskétamine à 28 mg ;
  • 11 ont reçu de l’eskétamine 56 mg ;
  • 12 ont reçu de l’eskétamine 84 mg.

Le traitement initial était basé sur deux prises par semaine pendant deux semaines. La fréquence d’administration était ensuite réduite sur une période de 6 semaines, puis les patients suivis pendant 8 semaines après l’arrêt du traitement.

Les résultats de l’étude montrent que l’eskétamine est plus efficace que le placebo, quel que soit le dosage utilisé. Toutefois, plus la dose est élevée, plus le traitement est efficace. L’effet antidépresseur de l’eskétamine est rapide, puisque les symptômes s’améliorent dès la première semaine de traitement, soit après seulement deux doses. Cet effet se poursuit sur toute la durée du traitement, puis de la décroissance des doses et enfin du suivi post-traitement.

Vers un nouveau traitement de la dépression majeure

Sur les 67 participants à l’étude, 4 ont dû stopper leur traitement en raison d’effets indésirables soit au cours des 15 premiers jours, soit pendant la phase de réduction des doses. Ces effets indésirables ont été une syncope, un syndrome dissociatif (trouble psychiatrique), des maux de tête et une grossesse extra-utérine. Les effets indésirables les plus fréquemment observés avec l’eskétamine ont été les maux de tête, les vertiges et les troubles dissociatifs. Néanmoins, les auteurs de l’étude concluent à ce stade que l’eskétamine présente une relativement bonne tolérance.

Selon cette étude, l’eskétamine s’avère un candidat très prometteur pour un nouveau traitement de la dépression. L’effet thérapeutique est obtenu plus rapidement qu’avec les traitements classiques et se maintient dans le temps, surtout pour les dosages plus élevés (56 et 84 mg).

Cependant, le nombre de patients inclus dans l’étude reste faible et ces résultats doivent désormais être confirmés à plus grande échelle. De même, la survenue de troubles dissociatifs doit être plus spécifiquement étudiée, pour mieux définir les potentialités de ce nouveau candidat-médicament contre la dépression.

Estelle B. / Docteur en Pharmacie

– Efficacy and Safety of Intranasal Esketamine Adjunctive to Oral Antidepressant Therapy in Treatment-Resistant Depression. A Randomized Clinical Trial. Daly, Ella J. and al. 2017. JAMA Psychiatry. doi:10.1001/jamapsychiatry.2017.3739.

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